Redoubler d'efforts à tout prix

Insertion socio-économique des personnes en situation de handicap.  Plus d'un million de personnes souffrent d'un handicap au Maroc. Un handicap trop souvent synonyme d'exclusion en termes d'accès aux infrastructures de base: santé, éducation, emploi. Certains efforts ont été consentis par nos politiques publiques mais la situation de ces personnes reste globalement déplorable. Au point que la société civile pense à organiser une journée de contestation.

C'était hier jeudi 30 mars, que nous commémorions la journée nationale des personnes en situation de handicap. Selon une enquête nationale réalisée entre 2004 et 2006, 5,12% de la population marocaine souffrent d'un handicap soit plus de 1,5 million de personnes. Un chiffre aggravé par la perception même de la notion de handicap, trop souvent synonyme d'exclusion en termes d'accès aux infrastructures de base telles que la santé, l'emploi et l'éducation.

Cette situation perdure depuis des décennies, même si au niveau étatique, certaines mesures ont été entreprises pour permettre et faciliter l'insertion socio-économique de cette frange de la population et par là même, lui restituer la reconnaissance de ses droits humains. Des droits qu'elle revendique pour ces personnes en tant que citoyens à part entière.

Manque cruel d'instruction

En matière d'éducation, la première enquête nationale sur le handicap qui date de 2004, montre qu'à peine 30% des enfants souffrant de handicap sont scolarisés. L'objectif est de relever ce taux à 70% d'ici 2012. Et de manière générale, ce sont presque 72% des personnes en situation de handicap qui sont sans aucune instruction. Jusqu'à l'année dernière, le ministère du Développement social affectait 30% de son budget au soutien des centres spécialisés dédiés aux personnes à besoins spécifiques.

“Cette exclusion du système éducatif conjuguée à la restriction de fait des principales filières qualifiantes, et à l’absence de véritables programmes de formation professionnelle, entraîne inéluctablement une atteinte grave au droit au travail”.AMINA SLAOUI, VICE-PRÉSIDENTE DE L'AMICALE MAROCAINE DES HANDICAPÉS (AMH)

D'ailleurs, d'après la même enquête mentionnée plus haut, seuls 11,7% des personnes handicapées travaillent, ce qui “prive la grande majorité de gagner dignement leur vie et participer au développement de la communauté” commente Amina Slaoui.

Promesses non tenues
Pourtant, selon les propos de Nouzha Skalli, ministre du Développement social, “l'adoption d'une approche de solidarité pour le recrutement de personnes non et malvoyantes diplômées a abouti à l'intégration au sein de la fonction publique, au recrutement de 157 personnes”. En 2010, des bourses ont été octroyées par le ministère des Habous à plus de 50 personnes non et malvoyantes pour apprendre le Coran et être intégrées en tant qu'imams et mourchidates.

Cinq autres postes d'emploi sont réservés par le ministère de la Jeunesse aux champions dans les sports para olympiques, 10 au ministère du Développement social, 12 au ministère de la Santé et un au ministère chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger. Des mesures plus que timides comparées aux besoins.

Par ailleurs, un système de quotas a été adopté afin de réserver 7 et 5% des postes budgétaires aux personnes handicapées, respectivement dans la fonction publique et dans le secteur privé. En ce qui concerne la fonction publique, le décret d'application a été publié depuis 1998, mais l'application effective fait défaut alors que pour le secteur privé, la question “demeure un vœux pieux”, selon l'expression du président de l'AMH, Mohamed El Khadiri.

Et demain ?
Le 13 février 2009, un projet de loi relatif aux droits des personnes en situation de handicap avait été déposé auprès du Secrétariat général du gouvernement et présenté en mars dernier, au Conseil du gouvernement. Depuis, c'est le silence radio. D'après M. El Khadiri, certaines sources officieuses prédisent une “annulation du projet” pour revenir aux anciens textes lois.

“C'est une éventualité mais ce serait alors accepter de revenir en arrière dans la mesure où les anciens textes de loi n'abordent la question que dans une perspective de charité et de bienfaisance. Or ce que nous revendiquons, c'est la reconnaissance de nos droits légitimes en tant que citoyens. C'est d'ailleurs pour cela que la Convention internationale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a été ratifiée”.
MOHAMED EL KHADIRI, PRÉSIDENT DE L'AMH

“Sur le terrain également, nous sommes plus dans un contexte de régression qu'autre chose, notamment sur la question relative à l'accessibilité qui constitue le niveau le plus visible de la chaîne des droits et le plus révélateur de la place qu’occupe le handicap dans les politiques publiques”, soutient M. Khadiri.

“La loi sur l’accessibilité promulguée en 2003 est née déficiente et restrictive vu qu’elle ne concerne que les nouvelles constructions, permettant la persistance de l’inaccessibilité d’espaces vitaux et notamment des services publics existants, y compris les écoles, les hôpitaux, les administrations, les habitations voire la voie publique. L’absence de textes d’application réduit à néant son effectivité”, explique t-il. D'ailleurs une journée nationale sur les problèmes liés à l'accessibilité, est prévue ce vendredi à l'Ecole nationale d'architecture de Rabat.

En fait, la situation est telle que des réunions de concertation entre plusieurs associations de défense des droits humains sont en cours en vue d'une éventuelle journée de contestation!

Ana Lopes (Aufait.com)

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