21e Congrès annuel de la Société Marocaine de Rhumatologie à Marrakech

Le Professeur Najia Hajjaj-Hassouni dresse le bilan de la polyarthrite rhumatoïde au Maroc
Le Dr Kazuyoshi Saito partage son expérience avec ses confrères marocains à propos du nouveau traitement de la polyarthrite rhumatoïde : Le Tocilizumab.Au 21e Congrès annuel de la Société Marocaine de Rhumatologie tenu à Marrakech du 15 au 17 avril 2011, les spécialistes ont mis l’accent sur le saut qualitatif et quantitatif qu’a connu la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ces dernières années.

Recherche sur la polyarthrite rhumatoïde au Maroc.
Le Pr Najia Hajjaj-Hassouni dresse le bilan
Les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) sont des affections inflammatoires chroniques touchant les articulations et les structures péri-articulaires. Ils appartiennent aux maladies invalidantes qui conduisent plus ou moins rapidement à la destruction cartilagineuse et osseuse et, à long terme, à l’incapacité fonctionnelle et/ou au handicap fonctionnel parfois majeur. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le chef de file de ces rhumatismes inflammatoires chroniques.

En 1997, une enquête de la Société Marocaine de Rhumatologie (SMR), conduite par le service de Rhumatologie de l’hôpital El Ayachi a permis d’analyser 3373 dossiers provenant des rhumatologues membres de la Société relatifs aux pathologies prises en charge par leurs soins. Cette enquête avait permis de constater que les rhumatismes inflammatoires chroniques représentaient 21,5% des pathologies rhumatismales dont 38,5% de polyarthrites rhumatoïdes.

La polyarthrite rhumatoïde touche 0,5-1,1% de la population mondiale avec une incidence annuelle qui varie entre 20 et 50 nouveaux cas/100,000 habitants par an ; les femmes sont 4 fois plus touchées entre l’âge de 35 et 55 ans. Il existe d’importantes variations géographiques. Cependant, dans les pays en développement, l’insuffisance de ressources en santé ne permettent pas une évaluation précise
La vie des malades change radicalement dès l’apparition des premiers symptômes de la polyarthrite rhumatoïde. Leur qualité de vie est considérablement altérée par l’inflammation et la douleur.

Le pronostic vital peut aussi être mis en jeu. Une surmortalité semble associée à la PR avec une espérance de vie réduite de 5 à 10 ans. Les facteurs de risque de surmortalité sont la sévérité de la maladie, son retentissement fonctionnel et l’existence de comorbidités ; d’où l’intérêt d’un diagnostic et d’un traitement précoces et adaptés ainsi que la coordination des soins entre les différents acteurs de santé
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie fréquente, grave, réduisant l’espérance de vie des patients qui en sont atteints. Au Maroc, le manque d’information, le diagnostic tardif et l’accès limité aux biothérapies restent les principaux obstacles à franchir afin d’offrir aux patients marocains une prise en charge adéquate.
Au Maroc, l’incidence de la maladie n’a pas été clairement établie. Quelques études ont été publiées dont une réalisée au service de Rhumatologie à l’Hôpital El Ayachi du Centre Hospitalier Universitaire Ibn Sina de Rabat en 1999 portant sur 444 cas de PR.
Cependant les données nationales sont en cours d’élaboration grâce aux travaux de recherche portant sur cette maladie. La collecte de données épidémiologiques de la PR permettra de fournir des informations qui permettront d’orienter les politiques pour une meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique de la PR. Il serait possible d’estimer l’incidence et la prévalence de la PR au Maroc et d’identifier les facteurs liés à la survenue, l’évolution et la sévérité de la maladie.

Des données marocaines sont disponibles en 2010 grâce à l’étude multinationale QUEST-RA (Quantitative Standard Monitoring of Patients with RA). Cette étude a englobé 86 sites dans 32 pays avec 8039 patients dont 2500 patients d’origine nord-africaine (Maroc et Egypte). Elle permet une étude globale de la maladie de même qu’une étude comparative selon les zones géographiques. Elle constitue actuellement une base de données importante sur la PR qui permet aujourd’hui des travaux de référence.
Cette étude a été prolongée au Maroc, à travers une collaboration des rhumatologues de la Société Marocaine de Rhumatologie. Elle a étudié 1964 patients et confirme le caractère inflammatoire et handicapant de la maladie dans notre pays. Par ailleurs, les répercussions sociales sont également importantes.
De plus, une étude prospective (dont les données sont très précises), la cohorte ESPOIR Maroc, soutenue au Maroc par l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques, l’Université Mohammed V Souissi et le CNRST (Centre National pour la Recherche Scientifique), et par l’Inserm (Institut National Scientifique en Recherche Médicale), France, est actuellement en cours et fédère les rhumatologues marocains en collaboration avec les immunologistes. L’étude d’une pré-cohorte de polyarthrites récentes avait montré 30% de progression de la maladie après un suivi de 2 ans, prédisant ainsi une évolution handicapante.

Actuellement, l’avènement des biothérapies a révolutionné le traitement et le pronostic de la PR. Les biothérapies en rhumatologie ont une action ciblée qui permet d’interrompre l’inflammation et ses conséquences destructrices sur l’articulation.

Du fait de leur coût élevé, il n’est évidemment pas possible de prescrire les biothérapies à tous les patients. Mais en raison de leur efficacité remarquable dans cette maladie chronique sévèrement handicapante, il n’est plus possible éthiquement de ne pas prescrire une biothérapie. Entre les deux, une stratégie nationale doit être développée en fonction du statut socio-économique et du profil local de la maladie dans chaque région géographique ou chaque pays.

Au Maroc, l’utilisation des biothérapies peut être guidée par les recommandations de la Société Marocaine de Rhumatologie en 2009, revues et actualisées en 2010.
Un registre de suivi des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde et traité par biothérapie est actuellement mis en place.
De plus un plan national de lutte contre la polyarthrite rhumatoïde est envisagé par le Ministère de la Santé..

Le Japon est un pays avant-gardiste par rapport à l’utilisation des biothérapies, d’ailleurs les premières études cliniques sur le tocilizumab y ont vu le jour dés 1999, d’où un recul des plus importants. Le Dr Kazuyoshi Saito a expliqué dans son intervention sur l’utilisation du tocilizumab en 1re intention pour la prise en charge de la PR débutante que « La rémission de la polyarthrite rhumatoïde est actuellement possible. Le Tocilizumab est une thérapie dite « ciblée » qui agit sur l’un des mécanismes les plus importants impliqués dans l’apparition de la maladie, l’hyperproduction par l’organisme de l’interleukine 6 (IL-6), impliquée dans l’inflammation et la destruction articulaire. En bloquant l’effet de l’IL-6, le tocilizumab limite l’effet de ses actions ainsi que leurs évolutions »

le Docteur Kazuyoshi Saito a insisté dans sa communication sur l’efficacité et la tolérance à long terme du tocilizumab dans la pratique clinique. « C’est le biologique pour lequel on a inclut le plus de patients en essais cliniques, avec plus de 4900 patients traités dans le monde. Administré en monothérapie ou en association avec les protocoles thérapeutiques conventionnels, le tocilizumab est un traitement très efficace chez les patients présentant une PR débutante ainsi que chez les patients réfractaires aux traitement de fonds classiques. », affirme ce spécialiste, membre du Collège Japonais de Rhumatologie.

Après de nombreux pays dans le monde comme le Japon, l’Europe et les Etats-Unis, le tocilizumab est commercialisé depuis 2010 au Maroc. Sa disponibilité sur le marché marocain est un acquis de taille susceptible de modifier la qualité de vie des malades en leur redonnant un sentiment de liberté, sans les poussées douloureuses de la maladie et sans crainte d’une invalidité de longue durée pourvoyeuse d’une réduction de l’espérance de vie des patients (estimée en moyenne entre 5 et 10 ans), de l’isolement et de la précarité.

Qu’est-ce que l’interleukine 6 (IL-6) ?
Dans la polyarthrite rhumatoïde, le rôle de l’interleukine 6 (IL-6) a été défini comme majeur dans sa survenue. Il s’agit d’une molécule (cytokine) clé dans la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde. Celle-ci joue un rôle de messager biologique entre les cellules impliquées dans ce processus. Une hyperproduction d'IL-6 et de son récepteur (IL-6R) provoque l'inflammation et les lésions articulaires associées à la polyarthrite rhumatoïde.

Tocilizumab, Quels apports thérapeutiques ?
La conjonction des progrès biotechnologiques, et de la meilleure connaissance de cette maladie handicapante ont conduit au développement d’une nouvelle molécule, baptisée « Tocilizumab ». Ce premier anticorps monoclonal capable d'inhiber le récepteur de l'IL-6 a fait preuve de son efficacité et de sa tolérance lors de plusieurs études.
« Cette molécule s'impose actuellement en tant qu’option prometteuse dans le traitement de la PR. », affirme à ce propos le Professeur Najia HAJJAJ-HASSOUNI (Chef de service de Rhumatologie à l’hôpital El Ayachi de Salé).


A propos des médicaments biotechnologiques
Ensemble des méthodes et des techniques qui utilisent les éléments du vivant (micro-organismes, cellules animales ou végétales, éléments sub-cellulaires ou molécules du vivant) pour produire des biens et des services, les biotechnologies a trouvé de multiples applications dans le secteur de la santé. Cet usage a ainsi permis l’émergence de nouvelles thérapies dites biotechnologiques. En complément ou en substitution des traitements médicamenteux par voie chimique, il a permis de parvenir à des traitements personnalisés et spécifiques à l’individu malade.
D’une manière générale, les biomédicaments se définissent comme des molécules thérapeutiques dont l’origine est biologique. Mais le terme de biomédicaments fait ici référence aux protéines thérapeutiques obtenues par un procédé biotechnologique, au sein d’organismes vivants procaryotes (levures, bactéries) ou eucaryotes (cellules de mammifères), excluant ainsi les produits biologiques naturels d’extraction. Ces biomédicaments apportent des réponses thérapeutiques dans 16 domaines différents, témoignant ainsi de leur contribution à l’innovation pharmaceutique.


A propos de la polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est un véritable problème de santé publique au Maroc. Selon les estimations actuelles et les travaux conduits dans le service de Rhumatologie, hôpital El Ayachi à Salé (Pr Najia HAJJAJ-HASSOUNI) et publiés, la polyarthrite rhumatoïde toucherait entre 0,5 et 1% de la population, soit 175.000 à 350.000 personnes au Maroc.
Cette maladie auto-immune se caractérise par des douleurs qui s’accompagnent d’un gonflement des articulations, d’une gêne dans les mouvements, puis d’une déformation et parfois même d’un handicap moteur total. Elle engendre une détérioration considérable de la qualité de vie des patients. Pis encore, elle diminue l’espérance de vie de 5 à 10 ans.
Outre cet énorme handicap, elle représente un énorme poids social. La maladie est en effet responsable d’arrêt de l’activité professionnelle dés les 3 premières années de la maladie. Elle est également responsable d’une augmentation du taux des divorces ainsi que du taux d’abondons scolaires, notamment chez les petites filles souvent déscolarisées pour s’occuper de leur mère malade.

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